Le voyage a ruiné ma vie
J’étais finissante, prête à partir en affaires, à déménager aux États-Unis, un business plan en tête et la drive d’une lionne, rien ni personne ne pouvait m’arrêter. Passer des journées derrière mon ordinateur à essayer d’en apprendre de plus en plus sur le démarrage d’entreprise, sur la façon d’investir mon argent, des après-midi au centre commercial à donner mes paies à BCBG pour être bien habillée pour fiter dans ‘’la crew’’ et des soirées passées dans des événements de réseautage à entretenir des conversations des plus superficielles afin de me faire des contacts. J’étais déterminée et je savais où je m’en allais, mon avenir se traçait comme une ligne de fer, je rêvais du succès et j’avais une foi indestructible en moi-même, jusqu’à ce que…
Jusqu’à ce que je monte à bord de mon premier avion, seule. Décidément, la ligne tracée de mon avenir, dure comme fer, rien n’aurait pu la briser. Rien sauf une prise de conscience par rapport à celle-ci. Je n’avais pas prévu qu’il était possible de voir au-delà de cette ligne en vol d’avion.
L’avion avance sur la piste puis prend quelques secondes d’arrêt et tout à coup, les moteurs s’activent, l’appareil se met à vibrer avant de foncer à plus de 200km/h en ligne droite. Puis, lorsque les roues se détachent du sol vient ce sentiment que mon coeur va lâcher. Et d'un coup, tout s’apaise. Le bruit de l’avion qui tremble en déballant la piste, laisse place à un bourdonnement sourd. J’inspire à plein poumon. Ne touchant ni à la terre, ni à l’eau, on plane, c’est comme si on laissait derrière tout ce qu’on avait toujours connu et la vie qu’on avait toujours vécue et qu’on filait vers l’inconnu.
J'étais excitée mais un peu craintive à la fois. Était ce parce que je ressentais sans le savoir que ce voyage allait changer ma vie? Savais-je au fond de moi que ces quelques semaines à l'étranger auraient le pouvoir de chambouler des années de travail?
À 40 000 pieds dans les airs, la tête dans le hublot, j’ai l’impression de regarder ma vie de si haut, cette vie qui me semblait si énorme, si grandiose, si fantastique mais qui pourtant, vue du ciel, n’est qu’un petit point de plus dans l’univers. Une vie de quelques secondes sur l’échelle de l’humanité. Avec le détachement que me procure le fait d’être dans les airs, seule, entourée d’inconnus et loin de tout, le bilan de ces dernières années me semblait plus évident à faire, le chemin que j’étais en train de tracer, là en bas, était bâti sur des valeurs telles le matérialisme, le travail sans limite et l’argent. Des valeurs instables, périssables et superficielles.
Ce premier voyage fut le début d’une longue aventure qui dure encore aujourd’hui. Chaque fois que je prends l’avion, que je monte à bord d’un train bondé dans un autre pays, que j’emprunte un chicken bus plein à craquer de gens qui ne parlent pas ma langue, à chaque fois, l’imprévisible et l’inconnu transforme ma vie un peu plus.
Chaque découverte en amène une autre, puis une autre, mes voyages ne sont qu’une roue sans fin. Plus j’en apprends sur le monde, plus je redécouvre ma foi en l’humanité et plus je réalise que j’en ai tant à apprendre.
Quand je suis descendue de l’avion au Québec, après ma première aventure à l’étranger, j’ai fondu en larmes. Des larmes de tristesse car j'aurais voulu que ce premier voyage dure pour toujours et que j’avais l’impression d’être passée à côté de quelque chose durant tout ce temps. Des larmes de crainte car je me retrouvais devant rien et je savais que ma vie d’avant ne me convenait plus, et à la fois des larmes de joie car je sentais que cette expérience serait le début de plusieurs autres et qu’une nouvelle vie m’attendait à la sortie de l’aéroport.
En un clin d’oeil, le voyage a ruiné la vie que j'avais planifiée.
Il m’a ouvert les yeux non seulement sur le monde mais surtout sur moi-même et sur ma façon d’aborder la vie. Il m’a apporté tolérance, amour et curiosité face à toute cette beauté qui nous entoure. Il m’a donné envie d’aider, de découvrir & de prendre le temps.
Il m’a donné envie de passer plus de temps avec ma famille, de prendre du temps pour moi et de m’ouvrir aux autres dans toute ma vulnérabilité. Il m’a donné envie de déconnecter pour mieux me connecter, de réfléchir et d’oser aborder la complexité.
Le voyage m’a donné envie de vivre.
Le voyage a ruiné ma vie rigide et planifiée pour laisser place à une vie d’aventures & d’inconnu. Une vie qui peut sembler terrifiante mais ô combien vivante & excitante.
Si un long voyage nous effraie tant, c’est peut-être qu’on sait que celui-ci a le pouvoir de ruiner notre vie, de nous transformer et de tout remettre en question…
Voyager c’est s’ouvrir, défaire ses plans et prendre la route sans itinéraire. Voyager c’est lire, écrire et se poser des questions. Voyager c’est oser la nouveauté, oser changer de regard et oser désapprendre pour réapprendre. Voyager c'est laisser l'autre nous raconter son histoire plutôt que de prétendre connaître déjà celle-ci de par les médias.
Voyager ne signifie pas de partir à l’étranger, mais de partir à la rencontre du monde peu importe où ce monde se trouve.
La Gaspésie est bien connue pour ses routes sinueuses, son air salin et ses paysages à couper le souffle, mais c’est aussi un immense livre d’histoires à découvrir. Comme celle de la famille derrière l’hydromellerie du Vieux Moulin, située à Sainte-Flavie, porte d’entrée de cette magnifique région.