Vivre nomade, et après ?
Entre dix-neuf et vingt-neuf ans, j’ai voyagé plus que la plupart des gens ne le feront jamais dans leur vie.
J’approche trente ans et dernièrement, je n’ai pu m’empêcher de me demander “ que reste-t-il de ma vie de nomade ?”
Que reste-t-il de ces soirées à déambuler dans les allées des marchés d’artisanat en plein cœur de Papeete ? Que reste-t-il de ces matins à prendre de longues marches sur le bord de la plage au soleil levant ?
Que reste-t-il de ces amitiés développées avec des gens de partout autour du globe, de ces conversations en esp-fran-glais sous les étoiles, jusqu’à pas d’heure ?
Que reste-t-il de la jeune femme qui du haut des ses dix-neufs ans, a quitté l’industrie de la mode pour sauter dans un avion avec un billet allée simple ? Cet avion qui d’ailleurs changea le cours de sa vie à tout jamais.
Te souviens-tu ? Pourquoi as-tu commencé à voyager ?
Te souviens-tu de ce sentiment euphorique de traverser le mur d’air climatisé de l’aéroport pour atterrir dans un pays chaud et humide, entouré de gens un peu plus foncés que toi, qui parle une langue dont tu ne comprends pas un mot ? Te souviens-tu de ce que ça fait ?
Ça te fait sourire n’est-ce pas ?
Ce mélange d’excitation, d’aventure et de curiosité.
Cette impression de devenir toute petite dans un univers si grand où tout est à découvrir.
Ton cœur bat alors que l’avion se met à filer à toute vitesse, t’enfonçant dans ton siège, puis l’impression que ton cœur reste au sol alors que ton corps lui, s’envole vers l’inconnu. Ce sentiment qu’il n’y a pas de retour en arrière et que le ciel s’ouvre à toi.
C’est ça n’est-ce pas ? Ce qui te rendait accro au voyage. L’appel de la découverte.
Ce besoin insatiable de vouloir découvrir, de t’enrichir, d’apprendre et d’aller à la rencontre de l’autre.
Ce désir d’explorer, d’être inconfortable et de toujours avancer.
Pourtant, sournoisement tu t’es mise à confondre voyage et liberté…
Alors qu’au départ, tu voyageais par pure curiosité il fut un moment tu t’es mise à le faire par “quête de liberté”.
Sitôt arrivé, sitôt repartie.
Tu laissais derrière tes proches pour foncer vers ce que tu appelais, ce rêve de liberté.
C’est d’ailleurs ce qu’on t’a vanté sur les nouveaux médias. Une vie libre et sans attachements.
Parce que TOI tu étais si différente. Tu étais si spéciale, si éveillée que tu ne pouvais te contenter de suivre le chemin tracé par la majorité. Ce chemin tracé, tu en es devenue apeurée.
Tu ne voulais rien avoir à faire avec ce dernier, ni même, tous ceux qui l’ont emprunté. Parce que TOI tu étais éveillée.
Te souviens-tu ? Pourquoi as-tu commencé à voyager ?
Où est-il passé, ce simple désir de découvrir ? Ce simple élan de curiosité?
As-tu remarqué comment avec le temps, il s’est transformé en anxiété ?
As-tu remarqué que ce qui te guidait n'était plus le bonheur de voyager, mais la peur de stagner ?
La peur d’emprunter ce chemin tracé. La peur de n’être qu’une parmi tant d’autres alors que TOI tu étais éveillée.
As-tu remarqué que tu as laissé tes fondations s’effriter en poursuivant cette idée si rose de quête de liberté ?
Et si ce qui te faisait briller autrefois était en train de t’enfermer ? Y as-tu pensé ?
J’ai déjà écris dans un de mes textes :
Il faut laisser au voyage, la liberté de nous démolir pour ensuite, une fois à la maison, on prend le temps de se reconstruire
Or parfois, même si le corps est à bord du vol du retour, on peut oublier de revenir, de redescendre et de se reconstruire.
On flotte…
On erre ça et là.
Voilà pourquoi une vie de voyage est aussi difficile.
Parce qu’on oublie qu’il faut redescendre.
Parce qu’on oublie qu’il faut revenir.
Et plutôt que de s’asseoir et faire le bilan, on remballe et on repart.
Voilà pourquoi une vie de voyage est aussi difficile.
Parce que la vie qu’on vit là-bas est si différente. Elle est vraie, pure et épanouissante.
Et pourquoi pas ici ?
Si seulement ils savaient, mais ils ne comprendront jamais.
Et alors qu’est-ce que ça fait ?
Cesse de courir pour leur prouver quoi que ce soit. Assieds toi et pense À TOI! TOI qu’est-ce que tu veux ?
Lorsque tu vois que ce qu’une infime partie de personne faisait autrefois, est maintenant un mode de vie “à la mode”, ça te donne le FOMO n’est-ce pas ?
Ne vois-tu pas que le marketing s’est emparé du mode de vie le plus doux qu’il soit ?
Alors, TOI, qu’est-ce que TOI tu veux ?
Vas-tu continuer de t’empêcher de mettre les pieds à l’université parce que TOI tu es éveillé ?
Vas-tu continuer de te mettre dans la case voyageuse en reniant tout ce qu’il y a en dehors de cette boîte ?
Je sais que ce texte est difficile à lire…
Parce qu'autrefois, notre mode de vie nomade était tout sauf romantisé.
Parce qu’avant les Instagram de ce monde, on voyageait pour soi, pas pour le montrer au monde entier.
Parce qu’aujourd’hui, être un voyageur est une catégorie qui implique toutes sortes de choses romantiques et passionnelles comme : fuir la routine à tout prix, ne pas étudier dans une institution publique, ne pas s’intéresser à la politique, vivre sans attachements, être libre (peu importe ce que cette liberté veut réellement dire), etc.
Et je comprends… je comprends tellement si vous saviez…
C’est vrai, que lorsqu’on est forcé à entrer dans un moule, on veut immédiatement se sauver et courir dans l’autre direction. Et je dirais même, que c’est nécessaire.
Ça fait partie de la notion de frontière que de renforcer notre identité de façon autonome. C’est un passage obligé, même s’il est parfois négligé.
Mais qu’en est-il lorsqu’on s’empêche de faire quelque chose parce que celle-ci va à l’encontre de l’image véhiculée sur le mode de vie que nous avons toujours prôné ?
J’ai longuement réfléchis sur le sujet, notamment à l’intérieur de cet article.
Et d’ailleurs, qui a décidé de ces normes de « nomade » ? Est-ce que c’est vraiment toi ?
Est-ce que de renier le 9 à 5, est une idée qui vient vraiment de toi ?
Est-ce que de croire que les universités ne sont là que pour te conformer davantage, est une croyance qui t’appartient ? Vraiment ?
Alors souviens-toi. Pourquoi as-tu commencé à voyager ?
Bien avant que toutes ces idées préconçues entourent la notion de voyageur. Que ces normes pré-fabriquées s’emparent de notre mode de vie et retourne celui-ci en une espèce d’idéologie.
Que le simple fait de voyager, d’explorer le monde par curiosité, deviennent un idéal à se conformer.
Y a-tu pensé ?
Si tu as de l’anxiété entourant ton mode de vie nomade, est-ce que les idées que tu tente d’agréer sont vraiment les tiennes ?
Souviens-toi …
C’était comment avant tout ça ?
Je t’invite à poursuivre la réflexion en commentaire ci-dessous.