Élise bernier

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Nous sommes milléniaux, voyageurs & égoistes.

Si le voyage nous apporte quelque chose, c’est bien l’ouverture, la curiosité et le désir de découvrir l’autre,

mais qu’en savons-nous après tout ? Nous ne sommes que de vulgaires milléniaux.


Des souvenirs de ces dix dernières années remontent. Sur les routes du monde, une odeur de tamales & chile,  un birman qui me raconte comment il s’est enfui de son pays, tous deux assis à un arrêt d’autobus. De la musique latine, balinaise, thaïlandaise… Oh et quelle musique!

Des cris, des sifflements, un vendeur de bolillos au petit matin dans les ruelles de Morelia, une violoniste au pied de sa moto qui fait danser les passants pour quelques pièces sur les routes de Montezuma. Des maoris qui crient, chantent et dansent leurs racines, leur culture haut et fort! Mon dieu… Quel monde merveilleux! Quelle planète riche! Et surtout, quelle chance avons-nous de découvrir tout cela. De goûter les saveurs d’ailleurs, savourer cette musique, cet art, cette magie. Quelle chance d’être connecté à ce monde si vaste et ouvert, autrefois plutôt étranger.

Je remercie le ciel de m’avoir donné le courage de partir lorsque j’ai eu dix-neuf ans. D’être sortie de ma tour de verre, de mon chez-moi douillet et confortable et d’avoir osé lever l’ancre. Tout ça pour réaliser, ô combien ma petite vie, si valide soit-elle, n’est qu’un petit point dans cet univers immense. Quelle gratitude j’ai, même si parfois, ça me donne l’impression de revenir dans mon enclos alors que j’ai connu ce que c’était de cavaler en liberté sur une longue route non tracée. J’aimerais vous l’expliquez, mais nul mot ne peut l’exprimer.

Comment parler de la mer à la grenouille, si elle n’a jamais quitté son étang ?

C’est un risque que j’ai pris dont personne ne m’avait averti, mais jamais je ne l’ai regretté. C’est une épopée que je garde précieusement et silencieusement, dans mon cœur.


Comment le voyage nous rend-il si égoïste ?

C’est simple. Il nous pousse à sortir de ce vase de cristal, à quitter ce que l’on connait et surtout, qui on connaît… Il nous pousse à dire au revoir égoïstement à ceux qui restent et nous envoler. D’ouvrir nos ailes pour la première fois, par nous-mêmes certes, mais pour plonger dans un monde aux multiples facettes et subtilités.  Et c’est là que la magie commence, chers amis.

Le sentiment d’être soudainement si petit, pour la première fois, nous envahit.

L’impression que notre culture, notre éducation, nos croyances et notre vécu, autrefois si grands, sont aujourd’hui frivoles. Épeurant d’accueillir cette douce liberté, de laisser derrière nous, popularité, objets et toutes ces futilités qui jusqu’ici nous définissait. Ces amusettes qui nous donnaient cette illusion que nous sommes si grands, si solides… J’en ricane. Si seulement ils savaient à quels points nous sommes petits.

Le comte Gustave de Belvèze a dit un jour :

« L’égoïste vit dans l’horizon le plus étroit, mais il le remplit. »

Relisez cette phrase doucement et laissez-la résonner…

Si seulement ils l’avaient vécus, ils ne se sentiraient pas si grands.

Si seulement ils savaient ce que c’est que de se retrouver en minorité, ils ne se sentiraient pas si intouchables.

Si seulement il l’avait tenté eux aussi, de se laisser transformer, rien qu’un peu, ils ne seraient pas si imperméables à toute cette beauté.

C’est près de 3 milliards et demi de personnes dans le monde qui mangent avec leurs doigts.  L’avez-vous déjà essayé ?

Près de la moitié de la population mondiale vit sous un dollar par jour. L’avez-vous déjà envisagé ?

Le voyage nous rend si égoïste qu’il nous oblige à nous confronter à tout ça. Il nous force à nous démouler et nous remodeler.

Voyager ce n’est pas faire du tourisme. Ce n’est pas prendre, courir et accumuler, non.

Voyager c’est savoir s’asseoir et observer. Apprendre et partager.

Voyager c’est tendre la main à l’autre et se laisser transporter. Se laisser porter par les sons, les odeurs, les milles-et-une histoires, les rires & les pleurs.

Voyager c’est laisser l’encre de sa plume dessiner sur une page blanche à chaque journée.

De moins en moins ignorant, le retour en arrière n’est malheureusement (ou heureusement) impossible.

C’est d’ailleurs ce qui rend le voyage si difficile, car autant il nous ouvre au monde, autant il nous renferme sur soi, incapable de le partager avec qui que ce soit. Michel Déon met les mots sur ce sentiment, disant qu’il y a en tout voyageur, un homme traqué, découvrant soudain sa solitude, son impuissance à entrer dans la comédie ou la tragédie qui se joue autour de lui.

Il n’est pas simple de revenir petit dans un monde qui se croît si grand.

Mais qu’en savons-nous après tout, nous ne sommes que de simples milléniaux...

Qui que vous soyez et peu importe votre date de naissance, je vous souhaite chers amis, le plus doux et transformateur des voyages.

Par André Samuel

Bon voyage mes amis xx

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