Élise bernier

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Les dessous de l'industrie du bien-être au Costa Rica

Dernièrement,

j’ai beaucoup de réflexion quant à la pression mise par l’industrie du bien-être et du développement personnel. Ayant moi-même côtoyé cette industrie de par mes activités entrepreneuriales en activités physique ou de par le yoga et la méditation, j’ai commencé à me questionner sérieusement sur les réels bienfaits d’une partie de cette industrie, tant pour l’humain, mais aussi pour la société et l’environnement qui nous entoure.

Cette réflexion s’est manifesté tranquillement depuis quelques années, mais a réellement été approfondie lors de mon dernier passage au Costa Rica avant la pandémie. En effet, j’ai résidé dans un village différent d’à mon habitude, un endroit reconnu comme un paradis du surf-yoga.

J’ai eu une opportunité de résidence et de travail dans le coin, alors j’ai décidé d’y poser bagages la moitié de l’année pour explorer les possibilités. Il y avait une bibliothèque au village d’à côté où je pouvais me rendre pour étudier et passer mes examens d’université et assez de clients pour y exercer mon métier.

J’y étais allé quelques années plutôt avec ma mère et nous avions été frappés par l’américanisation de ce si petit village habité par des gens plutôt pauvres. C’était il y a huit ans et ma mère m’a beaucoup éduqué à cette époque sur l’impact de l’expatriation sur les communautés locales et m’a sensibilisé sur les inégalités causées par ce type de dynamique.  C’est une plage de plus en plus connue tout près du village de Nosara. Un endroit où les expatriés principalement américains ont acheté les terres et ont commencé à développer la plage. L’industrie du yoga et bien-être prend beaucoup de place dans l’économie ici.

Alors d’une part, on retrouve playa Guiones, ce paradis du surf-yoga et des expatriés nord-américains et à une dizaine de kilomètre de là, dans les terres, on retrouve le petit village de Nosara.

Le type de gens que j’ai rencontré à cette endroit sont surtout des entrepreneurs, des professeurs de yoga, des coachs et influenceurs. J’avoue que malgré mon implication dans le milieu sportif et mon intérêt pour le yoga, une partie de moi sentait un inconfort à résidé à cet endroit. Il faut savoir que depuis dix ans mon endroit de résidence lorsque je viens au Costa Rica se trouve plutôt sur la côte pacifique centre, là où j’y ai travaillé en fait du bénévolat durant plusieurs années. J’avoue que je n’avais jamais été vraiment confronté par un endroit come Guiones qui était très prisé des expatriés, c’était quelque chose de nouveau pour moi.

Dans une ère où les coachs en développement personnel abondent, de plus en plus de gens sans formations s'improvisent et offrent des conseils pouvant être inefficaces voire dangereux sur le long terme. Alors qu’il faut un doctorat en psychologie pour être en relation d’aide professionnelle auprès de gens qui en sentent le besoin, comment peut-on faire confiance à quiconque s'improvise coach, guérisseur (de l’anglais healer). Certes, certains ont probablement des dons, mais je pense que la majorité des acteurs de ce milieux créent leur place avec du marketing. Après tout, qui ne tomberait pas sous le charme d’un mode de vie lent, au rythme des vagues, de la salutation au soleil et de nourriture biologique sortie tout droit du jardin ?

Après mon passage dans ce village, je n’ai pu m’empêcher de réaliser qu’il y avait quelque chose qui me rendait très inconfortable avec cette popularité croissante du bien-être à tout prix, encore plus dans un milieu comme Guiones. Je me demandais sérieusement, quels sont les projets qui ont vraiment fait bénéficier la population du village de Nosara sont plutôt rares. Il y en a quelques uns, comme les nettoyages de plage et les plantations d’arbres en bordure de mer, mais est-ce suffisant ?

Au Costa Rica, c’est autour de 22% des ticos qui vivent en condition de pauvreté, à Nosara, ce chiffre monte à 25% (Voz de Guanacaste).

Quel impact avons-nous sur cette dynamique ? Eh bien évidemment que l’affluence d’expatriés et de touristes dans la région fait augmenter la demande et les prix des denrées. D’ailleurs, j’ai visionné un court métrage qui communiquait que plusieurs villageois se rendaient à la capitale de San José pour faire leurs courses à cause du prix trop élevé des marchés locaux. On parle de 5 heures de voiture sans compter le trafic.

Bref, je ne peux m’empêcher de faire le lien avec la croissance d’une industrie qu'on appelle le « bien-être ».

Comment peut-on promouvoir ce fameux bien-être interne en tirant nuisant à l’environnement externe dans lequel on pratique ? C’est une industrie qui promouvoit le « soi » à un tel point qu’on en oublie parfois le monde qui nous entoure et l’environnement dans lequel nous cohabitons avec d’autres humains.

Je salue d’ailleurs les entreprises qui redonne à la communauté locale en s’impliquant dans plusieurs projets locaux, en engageant la main d’œuvre locale et en appuyant des athlètes du coin car oui, il y en a.

Or, mon impression à Guiones a été plutôt mitigée. J’en ai d’ailleurs discuté lors de l’épisode de mon Podcast The Outsiders avec Yanou, professeure de yoga qui elle aussi offre des formations de yoga à partir du village. Nous avons échangé sur l’espèce de malaise autour de cette industrie superficielle qui sournoisement déloge les habitants locaux des plus belles terres du coin.

Par exemple, à Guiones il y a un complexe hôtelier fréquenté par plusieurs adeptes du yoga qui offrent des cours de tout genre. Lorsqu’on assiste à une classe, il y a trois prix différents selon la catégorie dans laquelle on se trouve: 1) Touriste 20USD 2) Nous, les résidents 15 USD et 3) Les locaux 10USD.

À vue de nez, on peut croire que c’est une belle initiative d’intégrer la population or, le salaire quotidien d’un tico du coin s’élève en moyenne à 20 $ par jour. Est-ce réaliste de penser que les locaux peuvent s’offrir une classe de yoga à 50% de leur revenu journalier ? Je ne sais pas, on jase…

D’ailleurs, la migration des habitants vers le village de Nosara fait que ceux-ci sont beaucoup plus exposé aux inondations causées par la saison des pluies que sur la zone côtière.

J’ai travaillé avec divers entrepreneurs du coin et bien que j’adore ma carrière, j’ai été confronté à tout type de sentiment en aidant ces derniers à promouvoir leur image dans cet oasis. Évidemment, je n’ai pu faire autrement que de me questionner sur ma propre façon de vivre ma vie. Je me suis réellement questionnée à savoir quel était mon impact auprès de mes lecteurs et quel genre de message j’envoyais à ceux-ci.

Depuis 2014, je fais la promotion du voyage car j’y ai trouvé une certaine libération or, il est faux de croire que tout cela ne m’a apporté que du bon…

D’ailleurs, c’est suite à ce passage dans le petit village de la péninsule de Nicoya que j’ai eu de grands questionnements sur la recherche du bonheur, trop souvent confondue avec la quête de plaisirs éphémères et le détachement. Ce dernier concept popularisé par l’intérêt grandissant pour la philosophie bouddhiste, auquel j’ai moi-même adhérer à l’époque.

Malgré l’aspect nuancé de mes écrits, je n’ai pas souvent parlé de l’impact de l’industrie sur ma propre personne et comment la recherche de liberté et du bonheur à tout prix n’est pas nécessairement quelque chose de positif. Je me rends compte que l’appel de la découverte peut parfois être mal interprété ou confondu avec l’urgence de fuir ou que la recherche d’ailleurs et même parfois à éviter ce qui est présent. J’ai réalisé que mes propos pouvaient laisser place à une mauvaise interprétation. Le voyage est depuis quelques années tellement confondu avec le marketing énorme d’une quête de liberté, d’une vie sans attachement et une fuite de toute responsabilité. C’est un aspect dont je souhaite être davantage consciencieuse dans mes futurs écrits car loin de moi l’idée d’encourager cette nouvelle façon de voyager.

J’ai réellement trouvé une fascination à observer la croissance de cette industrie et à discuter avec certains acteurs afin de comprendre leurs motivations. Je n’ai pu m’empêcher de faire certains parallèles avec certaines lectures que je faisais notamment la théorie de l’ombre de Carl Jung, ou encore les recherches de l’industrie du malaise entourant la société du développement personnel de Nicolas Marquis. J’ai eu la chance d’échanger sur le sujet, avec un ami rencontré justement à Guiones, qui souhaitait s’ouvrir un centre de bien-être en Espagne et de l’importance d’être entouré de professionnels lorsqu’on se lance dans une telle démarche.

En développement personnel, les gens arrivent souvent vulnérables, à la recherche de quelque chose de plus. Qu’est-ce que leur quête profonde ? Peut-être y trouver un peu de sérénité ou encore un sens à leur vie ? Quoiqu’il en soit, avoir accès à la vulnérabilité d’une personne est un véritable cadeau, un trésor fragile auquel il faut faire attention. On ne peut pas entrer dans la tête d’une personne avec nos gros sabots en pratiquant toutes sortes de traitements parce qu’ils ont fonctionné sur nous, en nous disant qu’ils feront certainement bénéficier les autres. L’intention n’est pas mauvaise, mais c’est beaucoup trop délicat pour être improvisé.

Étant moi-même professeure de yoga de formation et entraîneur sportif,  je suis la première à reconnaître les bénéfices de certaines pratiques, mais je ne peux me rendre aveugles aux nombreux revers de ce commerce et la pente glissante qui entoure ce dernier.

D’ailleurs, depuis que je m’intéresse à l’envers de cette industrie, les publications sur les coachs de vie et les fameux gurus du bien-être ne cessent d’accaparer mon fil d’actualité. De les voir passer tous l’un après l’autre en revue suscite en moi toutes sortes de réactions. La positivité à outrance, la fameuse loi de l’attraction, l’image de la quête du succès du loup solitaire… alors que l’humain est un animal social et well.. n’est peut-être pas si grandiose que ça au final.

Nous nous alignons dans un monde vers lequel les frontières seront de plus en plus des illusions selon-moi. Alors qu’à l’époque, on était considéré marginal parce qu’on partait s’installer dans un autre pays, cette pratique va devenir de plus en plus courante avec le télétravail.

Je suis certaine que cela peut avoir des impacts positifs notamment sur l’amélioration de l’accessibilité de certains services dans les villages, de la promotion de l’éducation, du dynamisme de certaines communautés, mais encore faut-il s’impliquer dans notre pays d’accueil.



Bref, c’est un sujet délicat, mais que je trouve fortement intéressant et sachez que je suis ouverte à toute discussion faite dans le respect et l’ouverture.

Je suis consciente que cette réflexion diffère un peu de mes écrits habituels, mais elle reflète parfaitement le genre de questions qui me trottent dans la tête depuis quelques années. J’espère qu’elle alimentera votre propre réflexion.


À bientôt :)

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