Nous sommes plus que nos voyages
La raison pour laquelle ma première année d'université a été aussi difficile, c'est que j'avais l'impression de laisser une grande partie de moi en devenant étudiante. Passer mes journées en classe, rester des heures assise derrière mon ordinateur ou la tête dans mes livres allaient complètement à l'encontre de celle que j'étais (ou croyais être). En choisissant de me sédentariser pour une moment, j'avais le sentiment de trahir une partie de moi.
Sur mon ordinateur, derrière les pages de mes notes de cours, un fond d'écran de la carte du monde. Entre la lecture d'articles scientifiques, un petit tour sur googleflight.com pour regarder les billets d'avions. Entre deux examens, l'écriture de textes pour mon blog de voyage. Je n'arrivais pas à me défaire de mon identité de voyageuse. Arrêter de voyager, c'était laisser tomber une énorme partie de moi et pour être honnête, ça me terrifiait.
Mais se définir ne serait-il pas se limiter?
En se considérant comme une personnalité précise, n'agissons-nous pas uniquement dans le but de nourrir cette vision que nous avons de nous-même?
L'amour du voyage est gravé sur notre coeur et c'est ce qui fait de nous un voyageur et ce même si parfois on doit s'éloigner de notre passion pour faire avancer une autre partie de notre vie.
Parce que l'amour du voyage, ne diminue pas mon intérêt pour la science. Parce que l'amour du voyage, ne m'empêche pas de vouloir faire partie de la solution pour un monde meilleur. Parce que l'amour du voyage, ne change pas l'appréciation et la fascination que j'ai pour l'étude de la nature. Quand on sait qui on est, quand on sait l'ampleur qu'occupe quelque chose dans notre vie, on a plus rien à se prouver. S'accepter, c'est aussi arrêter de vouloir se définir à tout prix, c'est cesser de vouloir mettre des mots sur ce qu'on est et oser vivre libre d'étiquette, en dehors des cases qui nous structurent et nous limitent.
Je ne suis ni voyageuse, ni étudiante, ni environnementaliste. Je ne suis pas les relations que j'ai eu, ni les aventures que j'ai vécues, mais un peu de tout ça à la fois. Je suis l'ensemble des leçons que chaque expérience de ma vie m'enseigne. Voyager a certes, transformé ma façon de voir la vie, le mode de vie minimaliste m'a assurément aidé à trouver la sérénité dans la frugalité, alors que les études elles, aident à se fixer un objectif et persévérer au delà des difficultés, mais nous ne sommes que l'ensemble des valeurs & des caractères que nous retirons de tout ça.
Ce n'est pas parce qu'on a fait le tour du monde qu'on en a retiré quelque chose, tout comme on peut avoir fait un voyage de deux mois et avoir été tellement ouvert, si réceptif à l'aventure qu'on en est revenu transformé.
La vie ne se calcule pas. Elle ne se définit pas en chiffre, en diplômes, en année d'études, en âge, en nombre de voyages ou à la somme d'agent dans notre compte en banque.
La vie se calcule par nos valeurs, notre capacité a tirer des leçons, à grandir, à écouter les autres plutôt que de chercher à toujours répliquer, à voir la vie avec leur yeux plutôt qu'avec les nôtres, à se défaire de nos croyances pour accueillir la nouveauté & la différence, à sortir de notre confort peu importe où la limite de notre confort se trouve. La vie pour moi, c'est une suite d'expériences, d'apprentissages, de leçons, d'anecdotes, de plaisirs et de moments.
Nous ne sommes pas nos voyages, nous sommes les leçons qu'on en retire.
Ce qu'il y a de beau c'est qu'on ne connaît jamais la fin du livre avant d'être rendu à celle-ci. La vie n'est pas un but en soi, ni une course à la ligne d'arrivée. Je n'ai pas envie de connaître ma destination finale avant d'y être arrivée.
Je souhaite simplement vivre le moment, apprécier le voyage, me remémorer mes aventures, fermer les yeux et me revoir à 19 ans dans les bras d'un beau bronzé sur la plage au Costa Rica, me souvenir de la vue matinale du Mont Agung sur le volcan Batur en Indonésie, me souvenir des maintes plages désertes où j'ai retiré tous mes vêtements pour courir dans les vagues comme une enfant, me souvenir de ces au revoir qui tantôt me brisaient le coeur, tantôt me faisaient sourire puisqu'ils me rappelaient que l'impermanence des choses est ce qui fait leur beauté. J'ai envie de me souvenir combien j'ai bûché à ma première année d'université, combien c'était difficile de revenir de cinq ans de voyage pour m'asseoir sur des bancs d'école mais ô combien je suis fière d'avoir osé sortir de ma zone de confort & m'être mise au défi.
Un mot à la fois, on écrit notre histoire, nos expériences s'accumulent et tracent lentement le compte de notre vie. Les voyages, les aventures, la vie d'étudiant mais aussi tomber en amour, avoir le coeur brisé, vivre la perte d'une proche, faire de nouvelles rencontres, apprendre, grandir, changer... Sur chaque page, on trace petit à petit notre histoire, la fin d'un chapitre annonçant l'écriture d'un suivant mais pour continuer d'avancer, on doit poursuivre l'écriture, ne pas s'accrocher aux pages déjà écrites, ne pas surligner ni effacer mais plutôt, se contenter d'en créer de nouvelles. Poursuivre sa route, tirer des leçons et avancer dans la vie sans regarder derrière.
Il ne restera de moi, que quelques traces d'encre dans un livre... et ce sera amplement suffisant.
Nous sommes un tout.
Nous sommes uniques malgré nos ressemblances
Il n'y a que les limites que l'on s'impose.
- Élise Bernier
Why do you go away? So that you can come back. So that you can see the place you came from with new eyes and extra colors. And the people there see you differently, too. Coming back to where you started is not the same as never leaving.”
― Terry Pratchett,