Le voyageur, libre de ce qu'il ne possède pas
..ou plutôt, libre de ce qui ne le possède pas.
Quelques vêtements, un bon bouquin, une plume pour écrire et un bout de papier. Voilà l'essentiel dont j'ai besoin.
« Nous sommes riches de ce dont nous pouvons nous passer » a dit Louis Vigée.
Sur les routes, ce sont les gens avec le moins d'argent en poche qui m'ont le plus appris sur la vie. Pour eux, s'exciter avec un Iphone, passer des heures devant l'ordinateur ou travailler comme des fous pour s'acheter des biens matériels, est d'une absurdité triste.
La plupart de ces gens ne travaillaient que quelques heures par jour, juste assez pour nourrir leur famille. Ils vivaient à un rythme d'une lenteur difficile à imaginer dans notre monde occidental. Un tempo d'une nonchalance douce et paisible.
Ces gens se réunissaient l'après-midi pour laver les vêtements à la rivière alors que le dimanche matin, ils mettaient leurs plus beaux habits et se rencontraient à l'église du village. Une sortie généralement suivie du traditionnel repas entre famille et voisins.
Bien que la religion n'ai jamais fait partie de ma vie et bien que celle-ci me soit un peu étrangère, aller à l'église à l'extérieur des heures de cérémonie me faisait un bien fou. De voir ces gens exprimer leur vulnérabilité librement, sans honte ni retenue, était tellement rafraîchissant.
J'avais l'impression d'entrer dans un autre monde. Un monde où les émotions se vivent au grand jour, un monde où l'on s'accepte en tant qu'être humain, où l'on se pardonnait pour ses erreurs, mais aussi, où les étrangers ne craignaient pas de parler entre eux de relations, d'épreuves ou de décès. Ces conversations sont généralement perçues comme trop personnelles dans notre culture occidentale.
J'étais en admiration devant ces gens, qui trouvaient le moyen d'apprécier chaque petite chose de la vie. J'étais bouche-bée de voir que la plupart d'entre eux se rendaient à l'église non pas pour demander quoi que ce soit, mais plutôt afin d'exprimer leur gratitude pour ce qu'ils ont déjà.
Ces gens ne se battaient pas contre la vie, il avait appris à accepter et apprécier celle-ci, dans toute sa simplicité.
Ils étaient moins riches monétairement mais possédaient une richesse inépuisable ; l'absence du sentiment de manque. Ils ne cherchaient nullement à posséder plus, ils avaient déjà tout ce dont ils avaient besoin, car ils en avaient décidé ainsi. Rien ne leur manquait puisqu'ils savaient que de désirer toujours plus n'apportent ni le bonheur, ni la paix d'esprit.
Ces gens ont dérangé mes petites croyances, ils ont bousculé ma petite personne. Ils m'ont fait voir la vie d'un nouveau regard, ils m'ont ouvert les yeux sur l'essentiel, le luxe et la richesse. Une richesse qui n'a rien à voir avec le dernier Galaxy ou la BM de l'année.
Une richesse qui ne s'achète pas. Celle des expériences, de l'amour, de l'amitié et de la famille. L'immense luxe qu'est le temps et le partage de celui-ci.
José Mujica, président de l'Uruguay en 2009, disait que les pauvres étaient ceux qui avaient besoin de beaucoup. Versant 90% de ses revenus à des ONG, cet homme était le président le plus pauvre du monde. Il ne possédait qu'une Volkswagen 87.
« Je veux avoir du temps pour les choses qui me motivent. [...] C'est ça, la vraie liberté : la sobriété, consommer peu. [...] Si j'avais beaucoup de choses, il faudrait que je fasse attention à ce qu'on ne me les vole pas. [...] J'ai l'air d'être un vieil homme excentrique, mais c'est un choix libre et délibéré. »
Le temps est notre bien le plus précieux.
Pardonnons, vivons et aimons, parce qu'à la fin, c'est de cela dont nous nous souviendrons.