Élise bernier

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La course aux voyages

Je rêvais de solitude, de liberté, d'inconnu, d'inconfort, de réflexion et de remise en question. J'avais le goût de voir les couleurs, de sentir les odeurs, de goûter les saveurs d'ailleurs, de jouir de ce que ce monde avait à m'offrir. Je n'étais pas qu'en quête de beauté, je cherchais du vrai. J'y rêvais chaque nuit, depuis un bon moment déjà, alors j’ai tout vendu et je suis partie. Lentement, sans me presser, sans itinéraire, sans temps à respecter, le minimum dans mon sac à dos, mon passeport à la main, j'ai monté à bord de l'avion qui changea ma vie à jamais. 

Le voyage n'est pas quelque chose qu'on peut planifier ni quantifier. Il ne dépend ni de la grosseur de notre porte feuille ni du nombre de lieux visités mais plutôt jusqu'à quel point on se laisse transformer par celui-ci. On peut faire le tour du monde les yeux fermés tout comme on peut marcher dans son quartier et en faire une aventure. Et bien que j'aie eu la piqûre de l'aventure après mon premier voyage, c'est un peu plus tard que j'ai réellement commencé à voyager, à me laisser transporter mais surtout, à me laisser changer.

Course aux voyages, aux paysages les plus magnifiques les uns que les autres, aux images qui font rêver, posts de blogueurs qui ont tout quitté pour la liberté... Mais savons-nous réellement pourquoi on envie tout cela? Est-ce le maximum que l'on peut tirer d'un voyage, ou qu’une infime partie? On s'empresse de booker vol après vol, d'accumuler les étampes sur notre passeport comme des trophées. Mais faire le tour du monde nous rendra-il plus heureux ou intelligent? Notre sentiment d'accomplissement augmentera t-il selon le nombre de pays que nous aurons visités?

C'est facile de quitter la maison, de sauter dans un avion puis un autre, d'un coin du monde à l'autre, c'est facile de dormir dans des hôtels ou des auberges jeunesse, facile de manger dans les restos, de visiter les sites touristiques et de marcher dans les sentiers tapés pour nous. C'est simple tout ça. Ce qui est dur c'est d'ouvrir son coeur, d'abaisser ses barrières, d'aller au delà des apparences, d'oublier ses préjugés, de parler aux gens et pas seulement pour demander son chemin. Partager un repas, cuisiner pour quelqu’un, surmonter sa gêne et aller vers les autres. Ce qui est dur, c'est de désapprendre pour réapprendre, laisser son égo de côté, regarder les gens droits dans les yeux et leur laisser voir une parcelle de ce que nous sommes réellement. Ce qui est dur, c'est d'écouter, et pas seulement pour répondre mais d'écouter pour entendre ce que les autres ont à dire.

Qu'est ce que leur histoire? Que font-ils? Comment perçoivent-ils le tourisme? Respectons-nous réellement leur environnement, ou nous ne sommes là que pour en profiter et retourner dans notre confort?

 

Se laisser guider par le courant de la place, prendre le temps de s’adapter au beat du pays, prendre le temps de converser avec les gens, s’abandonner sur les routes sans trop connaître notre destination finale, c’est non seulement découvrir le pays mais vivre celui-ci. Quel luxe d’être libre d’itinéraire, de s’évader, de discuter avec des étrangers simplement, sans devoir couper court car on doit prendre un bus ou un vol pour notre prochaine visite touristique. On court tellement dans la vie de tous les jours, travail, transport, routine… On est si programmé à être booké du matin au soir que le simple fait de prendre réellement le temps de décrocher est devenu un luxe que nous avons du mal à nous offrir. Pourtant, quelle joie de ne pas planifier, d’oublier la check-list des choses à voir et profiter simplement du moment. Planifier sans cesse dans les moindres détails et essayer de contrôler tous les évènements à venir nous soumet à une rigidité, laissant peu d’espace pour l’inusité, la surprise et la spontanéité. 

Planifier un voyage certes peut nous amener à voir les tops X merveilles du pays selon le Lonely Planet, mais c’est à l’intérieur des maisons, dans la cuisine ou le jardin des locaux qu’on découvre l’histoire profonde d’un peuple et son pays, les coutumes et les traditions. Celles-ci n’ont pas été peintes pour les touristes, elles n’ont pas été améliorées pour rendre l’expérience de l’étranger plus attrayante, elles sont vraies et authentiques. 

On ne peut apprendre sur un pays sans communiquer avec le peuple, tous les trésors se trouvent là, à l'intérieur des gens. Dans leur maison, leur école, leur boulot, leurs souvenirs, à travers le rire d'un enfant, le regard sage d'une vieille dame, les mains usées d'un fermier ou l'air dur d'un policier corrompu, tout est là, à l'intérieur de chaque personne, une parcelle de leur histoire, de leur culture, un petit bout de leur pays. Il ne suffit que de prendre le temps, ralentir, et oser voyager.

 

Vivre le voyage, c’est se laisser changer. Choisir de s'abandonner à l'inconnu plutôt que de s'accrocher à nos connaissances, nos habitudes et notre éducation. Laissons donc au voyage, la chance de nous surprendre et nous transformer.

 

Un simple ''Cuentame algo'' peuvent être les premières paroles d'un long voyage.

 

Le voyage ne vous apprendra rien si vous ne lui laissez pas le droit de vous détruire. Un voyage est comme un naufrage et ceux dont le bateau n’a pas coulé ne sauront jamais rien de la mer. Le reste, c’est du patinage ou du tourisme.

-Nicolas Bouvier

 

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