Bonheur d'enfance ; notre refuge
J'ai grandi en campagne, à travers les montagnes, dans un petit village dont le nom signifiait, « tête des eaux » en Algonquin. Nous n'avions pas beaucoup d'argent, mais notre foyer était rempli d'amour et de beaux moments. Nous habitions dans une petite maison au bord du lac, sur une presqu'île, voilà pourquoi j'ai su nager, bien avant de pouvoir marcher. L'eau, a toujours été mon refuge.
Les airs de Jean-Sébastien Bach et Debussy furent les trames sonores de mon enfance. Ma mère, toujours derrière son piano, laissait danser ses mains sur celui-ci, nous offrant chaque soir, cette magnifique musique. Elle adorait jouer. Devant son piano, elle se sentait chez elle. La musique, c'était son refuge.
Mon père lui, avait le visage derrière son appareil photo presqu'en permanence. Son doigt sur le déclencheur, il était toujours prêt à immortaliser un moment, une scène ou une émotion. C'est un peu comme s'il voyait la vie à travers son viseur. Même quand on partait en famille à bord de notre vieille golf 1989 bleu clair, sous les airs de « Can't buy me love » , mon père pouvait oublier son portefeuille, ses lunettes, mais jamais son Nikon.
Mon frère lui, trouvait refuge dans ses instruments de musique et sa caméra, un doux mélange de nos deux parents.
C'est drôle, on dirait que j'avais oublié tout ça. Ou peut-être n'avais-je pris le temps de me remémorer mes souvenirs d'enfances, mais en y repensant aujourd'hui, je réalise que j'ai vécu des années en oubliant mes racines, en reniant mon refuge.
On essaie tous, un jour ou l'autre d'être ce que l'on est pas. Pour plaire, pour répondre aux standards, pour se faire accepter... l'ennui c'est qu'à force de jouer un rôle, on oublie peut-être qu'on est en train de le faire.
Jeune, je pouvais passer des heures, voire des journées, seule avec ma planche à roulettes à essayer de faire de nouvelles figures, je n'étais pas là pour performer, je me sentais tout simplement bien lorsque je « skatais » . Ayant déménagé en ville, loin de l'eau, ma planche était devenue mon refuge. Le surf et la mer c'était mon rêve le plus fou mais celui-ci n'étant pas encore à ma portée je le nourrissait en secret, tel un trésor qu'un enfant cache précieusement sous son oreiller.
En grandissant, j'ai fini, comme probablement la plupart des jeunes adultes, à oublier mon refuge. J'ai essayé de « fiter » dans le moule, de faire partie de m'intégrer à des groupes qui ne me ressemblaient pas. Je me suis fait accroire que j'étais quelqu'un que je n'étais pas.
Jusqu'au jour où mon refuge est revenu me chercher.
Ce jour où j'ai vu mes premières déferlantes. Ces magnifiques vagues qui s'écroulaient sur le « shore » sous dans un bruit sourd, un grondement qui témoignait de l'immense force de la mer. Et tous ces gens qui, debout sur leur planche, glissaient et tournoyaient sur la plus grande force de l'univers, l'eau.
C'était comme une overdose d'adrénaline qui électrisa tout mon corps, la petite fille à l'intérieur de moi avait envie de sauter, de crier de joie. J'avais envie de rire, de hurler, de courir, j'avais retrouvé ce petit trésor, celui que j'avais soigneusement caché, des années auparavant. Sous mes mains réunies devant ma bouche, mon fou rire était incontrôlable, les larmes coulaient sur mes joues sans que je ne puisse les arrêter. J'avais l'impression d'être de retour chez moi. Ça faisait longtemps...
J'avais retrouvé mon refuge.
Peut-être que si on arrêtait de chercher qui on est, ce que l'on veut, ce qui nous rendrait heureux, on se rendrait compte que la réponse, on l'a déjà, à l'intérieur de soi. Et si on laissait l'enfant à l'intérieur de nous refaire surface, si on l'écoutait pour une fois plutôt que de l'ignorer, peut être qu'on réaliserait qu'on à déjà réponse à toutes nos questions. Parce que si l'adulte que nous sommes, ignore ce qui nous rend heureux, l'enfant lui, le sait.
Notre refuge, c'est où l'on se sent chez-soi, où l'on se sent libre, soi-même et vulnérable. Notre refuge c'est l'endroit où l'on est la version la plus authentique de nous-même, l'endroit qui nous aide à oublier toute la « bullshit » qu'on avait accumulée sur nous durant ces années en essayant de « fiter » dans le moule. On peut trouver son refuge dans la lecture, la photographie, le sport, la nature...
Notre refuge c'est, où l'on se sent nous, tout simplement